Neurodiversité et processus créatif

John Loeppky •Personnes et évènements•13 févr. 2025•4 min de lecture

La neurodiversité, qui se manifeste par exemple par l’autisme ou le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), est parfois une source de difficultés, mais elle peut aussi être à l’origine de méthodes de travail qui constituent un élément essentiel du processus créatif d’une personne et qui déterminent le produit final.

Les personnes neurodivergentes se retrouvent souvent exclues de certains secteurs de la société et de l’économie. Heureusement, la situation évolue, notamment dans les secteurs créatifs et artistiques. Le magazine Nikon s’est entretenu avec deux photographes neurodivergents au sujet de leur parcours dans le domaine de l’image et de leur passion pour la représentation et l’inclusion. Il leur a également demandé leurs conseils et astuces pour ceux et celles qui s’engagent dans une voie similaire.

Lou Jasmine

La photographe et réalisatrice londonienne Lou Jasmine, qui souffre de TDAH, explique qu’elle a été attirée par le reportage en lisant des livres de photographie de style documentaire. « J’étais obsédée par la musique, les livres, les biographies, les biographies d’acteurs, les films, explique-t-elle. Chacun de ces ouvrages contenait de magnifiques photos prises sur le vif de personnes sur le plateau, dans un hôtel ou dans un café, ou un autre lieu. Je me suis demandé qui prenait ces superbes photos. Je trouvais cela vraiment cool. »

Bien qu’elle se soit intéressée à ce type d’images, Lou ne s’est pas tout de suite sentie attirée par la photographie sur le plan professionnel. Après l’université, elle a travaillé sur des documentaires. Son désir de répertorier l’ensemble de l’expérience, tout autant que le tournage lui-même, a alors contribué à lui donner envie de revenir à ce mode d’expression.

« Lors de l’un des documentaires sur lesquels je travaillais, un directeur de la photographie m’a donné un appareil photo pour prendre des images à utiliser pour le documentaire, dit-elle. Je me souviens d’avoir couru dans tous les sens, l’appareil à la main, en me disant que c’était génial. »

Lou Jasmine

John Loeppky

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Que contient le sac photo de nos créateurs ?

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Lou Jasmine en action

Lou a également été influencée par un ami qui l’a incitée à publier une photo par jour sur Instagram. Elle s’est ensuite orientée vers la musique et les prises de vues lors de concerts. Aujourd’hui, elle travaille à la fois comme réalisatrice et comme photographe. En tant que créatrice neurodivergente, elle s’appuie sur de nombreux systèmes, comme l’utilisation de messages d’erreur automatiques dans sa messagerie électronique pour créer un tampon entre elle et les e-mails entrants. Elle a également utilisé le programme britannique Access to Work pour améliorer l’accessibilité. Ce programme lui permet en effet d’engager quelqu’un pour gérer les tâches administratives qu’elle n’est pas en mesure de traiter.

Lou trouve que pouvoir compter sur quelqu’un qui la pousse gentiment à passer à la tâche suivante lorsqu’elle est sur le terrain améliore l’accessibilité de ses prises de vue. « Je pense qu’il est très important pour moi de définir clairement mes limites, explique-t-elle. En effet, comme la plupart d’entre nous, je lutte contre le perfectionnisme. Il est très important pour moi d’avoir des gens autour de moi qui me disent ‘Écoute, Lou, c’est bon. Je pense que la prise est bonne, nous pouvons passer à la suite’. »

Parmi les autres stratégies utilisées par Lou, citons le fait de réserver ses transports le plus tôt possible pour ne pas avoir de stress supplémentaire lié à la planification, ainsi que l’embauche de membres de l’équipe de postproduction pour l’aider à achever les prises de vue.

Le meilleur conseil de Lou : exprimez-vous et trouvez une communauté

« La photographie peut être un métier solitaire ; n’ayez pas peur de vous exprimer, conclut-elle. Tissez des liens avec le plus grand nombre possible de photographes et de personnes neurodivergentes créatives. »

Le sac photo de Lou : Nikon Z6II, Nikon Zf, Nikon Z30, Nikon F100, NIKKOR Z 24-70mm f/2.8 S, NIKKOR Z 85mm f/1.8 S.

Alfie Bowen

Lors de sa première expérience de la photographie, Alfie Bowen, qui est atteint d’autisme, a été confronté à un problème courant : l’image qu’il voulait saisir ne correspondait pas au type d’image que son appareil photo ou ses compétences lui permettaient d’obtenir. Il savait néanmoins exactement ce qu’il voulait photographier.

« J’ai toujours été fasciné par les animaux, explique-t-il. Mon premier mot a même été ‘colvert’, le nom d’une espèce de canards. Mais je cherchais un autre moyen d’explorer cette passion lorsque je suis tombé sur le petit appareil photo compact de ma mère et que je me suis mis à essayer de photographier des animaux sauvages. »

En 2015, Alfie a reçu un appareil photo pour Noël, un jour qui, selon lui, a changé sa vie. Depuis, son ascension a été tout simplement fulgurante. Il se consacre spécifiquement à la faune sauvage et prend des images remarquables de toutes sortes d’animaux, allant des primates aux flamants roses. Il a récemment publié un livre intitulé Wild Horses (Chevaux sauvages) qui a nécessité deux ans de travail. Alfie travaille souvent en noir et blanc, ce qui, selon lui, lui permet de se concentrer sur la personnalité de chaque animal.

Alfie Bowen avec le NIKKOR Z 28-400mm f/4-8 VR

Alfie estime qu’il doit en partie à son autisme sa façon de choisir un projet et de l’exécuter. « Je remarque les moindres détails de chacun de mes sujets, des conditions dans lesquelles je les photographie et de la toile de fond qui les entoure, explique-t-il. Mon autisme me confère une imagination débordante, si bien que je pense souvent à de nouvelles images aux moments les plus inattendus. »

Alfie se contente donc d’esquisser une image et de la noter, afin que son flash de créativité ne risque pas de se perdre. Selon lui, la beauté du processus réside ensuite dans l’exécution. « Je consacre ensuite des heures à transformer ces croquis en photographies sur le terrain, explique-t-il. La mission peut être longue, mais le sentiment que j’éprouve lorsque j’obtiens l’image finale est incroyable. »

Les passions d’Alfie pour les animaux sauvages et pour la sensibilisation à l’autisme l’ont également amené à travailler avec diverses organisations caritatives et à devenir un conférencier très demandé, notamment lors de l’événement Nikon Photo London de l’année dernière.

Le conseil d’Alfie : appuyez-vous sur ce que vous aimez et planifiez en conséquence

« Cela m’aide à me familiariser avec mon kit et à bien planifier. Réduire les surprises au minimum permet de limiter l’anxiété et de laisser libre cours à la créativité ! » Alfie s’explique. « Je dis toujours qu’il faut photographier ce que l’on connaît et ce que l’on aime. Je travaille toujours mieux avec ce que je connais le mieux. Je connais intimement mes sujets et cela m’est très utile lorsque je vais sur le terrain. »

Alors que son récent projet était centré sur les chevaux, Alfie déclare se réjouir désormais de pouvoir photographier d’autres animaux : « Le projet a été intense et m’a donné peu d’occasions de photographier autre chose que des chevaux pendant deux ans. Ces dernières semaines, j’ai donc pris plaisir à photographier des zèbres, des flamants roses, des lémuriens et des lions. »

Le sac photo d’Alfie : Nikon Z9, Nikon Z6III, NIKKOR Z 70-200mm f/2.8 VR S, NIKKOR Z 100-400mm f/4.5-5.6 VR S et NIKKOR Z 14-24mm f/2.8 S.